lundi 26 septembre 2016

Escapade en Laponie suédoise sur le sentier du Kungsleden.








 
Le Kungsleden ( Voie royale en français) est un sentier de randonnée qui est classé parmi les dix plus beaux treks du monde. Il se situe à l'extrême nord de la Suède en Laponie 200 km au dessus du cercle polaire. L'itinéraire complet comprend 400 km ( 3-4 semaines de marche), mais il existe une version plus courte de 110 km à faire en 5 à 7 jours ( celle que j'ai emprunté).




 
Version courte du Kungsleden 110 km.
 
Ce sentier est praticable de mi-juin à mi-septembre. Il est possible de le faire aussi en hiver en ski de fond ou en motoneige. Il est entièrement balisé, très fréquenté par des randonneurs du monde entier et on y trouve des refuges simples mais très confortables tous les 15-20 kms.






Préparatif de mon expédition :

L'idée de faire ce trek me trottait dans la tête depuis de nombreuses années. La meilleur période pour le réaliser dans les meilleurs conditions est assez restreinte. Elle se situe entre fin aout et mi-septembre: les températures sont encore pas trop froides (mais assez pour que les moustiques soient complètement disparus), début de saison pour les aurores boréales et c'est la période de l'été indien avec ces magnifiques couleurs automnales. J'ai enfin trouver un créneau pour effectuer cette escapade.
Du point de vue logistique, c'est assez simple à préparer. Transport: 1 billet d'avion pour Kiruna via Stockholm ( possibilité de faire la portion Stockholm- Kiruna en train de nuit). Une fois sur place, bus ou train pour se rendre au point de départ. L'itinéraire étant très bien pourvu en refuges, il est inutile de trop surcharger son sac à dos. Ils sont tous dotés de cuisines toutes équipées avec des gazinières, d'un poêle avec une réserve de bois, pour la plupart d'un sauna et également d'une supérette où on peut acheter de la nourritures diverse et assez variée. L'eau en abondance dans les nombreux lacs et rivières est parfaitement potable ( pas besoin de la purifier). Il faut par contre prévoir des vêtements pour pallier à toutes les possibilités de climat car le temps est très variable à cette période ( températures entre -5 °C et 15°C, alternance de soleil, pluie, vent polaire et parfois neige). Pas d'électricité ( frontale et chargeur pour recharger les batteries) et de réseau téléphonique.





Finalement, une fois le sac terminé, je m'en tire avec un poids de 13 kg ( avec une réserve alimentaire en produits lyophilisés, pates chinoises, soupes, saucissons et barres énergétiques) mais sans la boisson.



Jour 1 : Départ pour Kiruna.

Départ en début d'après midi après le boulot de Luxembourg via Francfort et Stockholm pour finalement arriver à destination à Kiruna à 22h40. Ces 2 escales m'ont permis grâce aux retards d'avion de préparer mes muscles à l'effort ( séance de Vma courte pour traverser les terminaux et chopper les correspondances). Cela m'a permis dés Stockholm de me rendre compte qu'il y avait de nombreux autres trekkeurs en "petites foulées" qui se rendaient au même endroit que moi. J'en profite pour faire déjà des connaissances (belges, allemands, autrichiens,...). Arrivé à destination de nuit, ma première vision en terre laponne sera celle de l'affichage du thermomètre digital sur le tarmac de l'aéroport  : 3 °C. Passage en une demi journée de la canicule à un froid hivernal : début du dépaysement garanti.
Après un cours transfert en bus pour se rendre au centre ville de Kiruna, nuit dans un petit hôtel pas cher, très prisé des routards et très sympa ( The Yellow House).



Hôtel Yellow House à Kiruna.
Jour 2 : transfert vers Abisko et 1 ère étape du trek Abisko-Abiskojaure 14 km. 





Petite virée matinale dans Kiruna pour récupérer quelques infos sur le trek à l'office du tourisme et pour faire quelques achats ( nourritures et une cartouche de gaz). Kiruna est une petite ville minière assez austère de 15 000 habitants mais dont la superficie est équivalente à la moitié de la Suisse. On y dénombre plus de 16 000 lacs.
Départ en fin de matinée en train ( 1h de trajet) pour me rendre sur le lieu de départ du trek à Abisko ( à la frontière avec la Norvège). Durant ce trajet, je suis déjà émerveillé par les décors que nous traversons: des montagnes, des lacs et de la toundra à perte de vue. Je suis tout excité de quitter la civilisation et impatient de commencer cette aventure.



Départ de la civilisation.
Gare d'Abisko.







De nombreux randonneurs descendent du train à Abisko. Nous serons nombreux à prendre le départ aujourd'hui. Le départ du sentier est matérialisé par la très célèbre et mythique porte d'entrée du sentier du Kungsleden.







Mythique porte d'entrée du sentier du Kungsleden.

En route pour l'aventure.
Franchissement de la porte d'entrée sous un grand soleil (14 °C) en début d'après-midi pour une courte étape de mise en jambe longue de 14 km pour atteindre le refuge d'Abiskojaure. Les premiers kms traversent le parc national d'Abisko et tout de suite je suis saisi par la beauté du décor. Le sentier longe un torrent tumultueux, de nombreux petits lacs, une végétation aux couleurs automnales, dense et variée, sur un sentier alternant des passages caillouteux, des passages sur des caillebottis ( pour franchir les zones humides) et des franchissement de rivières sur des ponts suspendus.





Torrent d'Abisko.


Sentier du Kungsleden.





Végétation multicolore.


Vue sur la rivière.






Des les premiers kilomètres de cette aventure, je suis complètement émerveillé par ce décor majestueux. C'est vraiment fantastique de pouvoir évoluer dans un tel environnement. Ce patchwork de couleurs est saisissant. Je progresse très lentement au milieu de cette végétation très diversifiée ( forêt de bouleaux, toundra, myrtilles, fougères, baies diverses et champignons), au bord de ce torrent, de ces lacs et de ces montagnes afin de profiter un maximum de ces moments exceptionnels assez rare dans une vie. Tous les randonneurs, que je croise, ont tous comme moi les yeux qui pétillent. 










Ce décor est vraiment enivrant. On progresse dans une nature fertile et colorée. Sur ce sentier, on trouve régulièrement sur des zones remarquables des emplacements pour méditer ( les " meditationsplats"). Avec un tel panorama et un tel silence, on se sent vraiment apaisé.

Place de méditation.

Afin de préserver ce paradis terrestre, il est interdit de camper dans cette portion du parc. C'est très plaisant de progresser sur ces caillebotis qui surplombent les zones humides et de traverser le torrent sur de nombreux ponts suspendus. Le sentier est entièrement balisé, pas besoin de carte il est impossible de ce perdre.

Balisage du sentier.
Randonneur insolite.





Pont suspendu.
Au bout de 10 km, on quitte le parc national d'Abisko. La forêt devient plus éparse et fait place à de grandes étendues de végétation basse type toundra. La progression se fait le long d'un grand lac sous un soleil très généreux.











Au bout du lac, on commence à apercevoir l'ensemble de petites cabanes en bois qui constitue le refuge d'Abiskojaure. Je suis enchanté à l'idée de passer la nuit dans un cadre aussi idyllique et champêtre.

Première vue sur le refuge.
Cette première étape est vraiment une bonne mise en jambe. Elle se termine par le franchissement d'un imposant et magnifique pont suspendu qui permet d'accéder au refuge d'Abiskojaure.

Pont pour accéder au refuge.





refuge d'Abiskojaure.
J'arrive tranquillement au refuge en fin d'après-midi. Il y a déjà de nombreux randonneurs. Je suis accueilli par le gardien du site très amicalement autour d'une tisane chaude. Le refuge est constitué d'un ensemble de petites maisonnettes au bord d'un lac pouvant accueillir chacune entre 10 et 20 personnes. A l'intérieur de chacune, on y trouve un dortoir, un coin cuisine tout équipé, un poêle à bois et une salle pour manger. Pour cette soirée, je vais partager un cabanon avec un couple de français, un groupe de suédois et des anglais. J'apprécie ces moments de partages entre trekkeurs de différents horizons.

Intérieur du refuge.
Dortoir du refuge.

















Avant d'aller me coucher, je profite de ce jolie crépuscule au bord du lac pour faire encore quelques photos. L'atmosphère est vraiment plaisant.





 Crépuscule au bord du lac.









Jour 3 : 2 ième étape Abiskojaure- Alesjaure 21km.


Dans ces régions polaires, la météo est très capricieuse et change très vite. Ce matin, au levée du jour, le ciel est couvert et une pluie fine arrose le site. Contrairement à la plupart des autres trekkeurs, je décide d'attendre un peu que la pluie cesse pour débuter l'étape du jour qui est relativement courte (20 km).




Refuge d'Abiskojaure.

Le vent finit par chasser les nuages et je démarre ma journée de marche. Le sol est devenu très humide, les portions sur caillebotis facilitent grandement la progression sur un tel terrain.

 
Au bout de quelques kilomètres, après le franchissement d'un pont suspendu, on quitte définitivement la forêt . Le sentier s'élève un peu pour prendre de l'altitude, faisant place maintenant à de grands espaces dégagés.

Pont suspendu.

Première rencontre avec des rennes.
J'entre dans le domaine de l'animal emblématique du secteur le renne. Assez rapidement, j'aperçois mon premier troupeau. Je marque une pause pour profiter de ce moment magique. Les rennes raffolent des lichens qui sont très nombreux dans cette végétation basse. Finalement tout au long du reste de l'étape, je croiserai de nombreux troupeaux.
Première rencontre avec des rennes.
A mi-parcours, j'atteins un lac. Le sentier longe le bord de celui ci pour rejoindre le refuge d'Alesjaure qui se trouve à l'autre bout.




Le vent s'accentue et l'horizon se couvre rapidement. Très vite, il commence à pleuvoir. J'accélère l'allure sur cette portion plate et assez monotone. Je double beaucoup de randonneurs. Cette pluie m'accompagnera finalement pendant 2 bonnes heures. Je suis détrempé mais progressivement avec ce vent violent mes vêtements sèches assez rapidement. J'aperçois au bout du lac le refuge.


Refuge d'Alesjaure.

J'atteins le refuge en début d'après-midi. Il n'y a pas encore grand monde. Les cabanons de ce refuge sont très confortables. En attendant l'arrivée des autres randonneurs, j'en profite pour me restaurer un peu ( la cuisine équipée est flambant neuve) et pour faire un peu de réserve de bois afin d'allumer un bon petit feu dans le poêle.



Refuge d'Alesjaure.


 











Les refuges que l'on trouve sur ce trek sont vraiment conviviales, propres et confortables. On y trouve même une salle surchauffée pour sécher les affaires.
 Et bien sur chaque refuge est équipé ( tradition scandinave oblige) d'un sauna. Je suis pas très friand des températures excessives mais je décide quand même de tester. Le sauna se trouve dans un cabanon au bord de la rivière. Il y a des horaires séparés pour les hommes et les femmes en journée mais le soir c'est mixte. A l'intérieur, un vestiaire, puis une salle avec des bassines d'eaux chaudes et froides pour se laver et ensuite le sauna proprement dit. Au bout d'un certain temps, après être bien monté en température, tout le monde sort du sauna nu en courant sur un ponton pour finir dans l'eau gelée du lac ou de la rivière. L'opération est renouvelée plusieurs fois. C'est vraiment surprenant : on en ressort à la fois revigoré et apaisé. Je comprend maintenant pourquoi ce rituel journalier est sacré dans ces régions.
Après cette expérience vivifiante, c'est complètement zen et en jetant un dernier regard sur le magnifique panorama que je vais me coucher.

Joli arc en ciel sur le lac.
Vue panoramique sur l'étape du lendemain.
Jour 4 : 3 ième étape Alesjaure- Sälka 26,5 km.

La nuit a été particulièrement fraiche, une fine couche de neige recouvre les sommets avoisinants au levée du jour.


Après deux journées de marche assez tranquilles, j'ai prévu de faire un trajet plus long ( deux étapes en une) . Je m'élance donc assez tôt : le ciel est couvert et il fait relativement froid ( proche de 0 °C).

 
Pont à la sortie du refuge d'Alesjaure.







D'Alesjaure on prend la direction d'une splendide vallée où coule la rivière qui alimente le lac, une descente raide amène rapidement à un pont métallique qui enjambe le confluent de la rivière et du lac.








On remonte le cours de la rivière par de petits sentiers en alternance avec ces longs chemins de planches. Régulièrement, je croise des petits groupes de rennes. Ma progression est assez rapide sur ce sentier sans grande difficulté.





Troupeau de rennes.

Petite passerelle.












Le sentier s'élève progressivement et, au bout de 13 km ( mi-parcours), j'aperçois le refuge de Tjäkja. Je décide de ne pas m'y arrêter.


Refuge de Tjäkja.

Le sentier, à partir de ce refuge, attaque la montée au point le plus haut de l'itinéraire, en l'occurrence le col de Tjäkjapasset à 1150 m d'altitude. Le chemin est régulier, caillouteux et monte légèrement jusqu’à un petit refuge non gardé situé au sommet où j'en profiterai pour me restaurer un peu.

Montée vers le col de Tjäkjapasset.
Petit refuge au sommet du col.

 Le col de Tjäkjapasset et la vallée vers le refuge de Tjäkja.
 Un vent glacial souffle sur ce point haut. Je ne m'y attarde pas trop. Le chemin poursuit sa route dans un cadre absolument majestueux. Dans la descente, une fois à l'abris du vent, je m'arrête sur un place de méditation pour admirer cet exceptionnel panorama. Je savoure cet instant afin d’apprécier ces grands espaces qui m’offrent un sentiment de grande liberté.

Vallée vers Sälka.



Une large vallée encaissée entre des hauts sommets enneigés s'offre à moi à travers un chaos de lumière et de nuages dont les traînes glissent à flanc de coteau comme des fumerolles géantes. C'est dans un atmosphère surréaliste que je reprend ma route. Marcher ici, c'est vraiment être ailleurs!



 





Dans ce silence absolue, pas à pas, je me délecte de ce spectacle. Je suis proche de l'apesanteur. Au fil de la progression, le soleil finit par prendre le dessus sur les nuages et donne une palette de couleurs supplémentaires à ce fabuleux décor.


Je finis par apercevoir au loin l'ensemble de cabanes qui constitue le refuge de Sälka. La fin de parcours se fait essentiellement sur des longs passages sur caillebotis afin de traverser ce fond de vallée très humide avec tous ces petites rivières qui dévalent des montagnes pour rejoindre le ruisseau principal.

 















Refuge de Sälka.


Le fait d'avoir doublé les étapes, je rencontre d'autres randonneurs. Ce soir je partagerai mon cabanon avec un couple de quadragénaire suédois, deux anciens un écossais et un canadien, un américain et une irlandaise. Sympathique soirée d'échange partagée au coin du feu. Sans oublier la séance de sauna collectif qui devient un rituel bien appréciable chaque soir.
Cette nuit, le ciel est complètement dégagé et les températures s'annoncent être négatives : conditions idéales pour apercevoir les premières aurores boréales de la saison. Je veille jusqu'à 23h15 pour en apercevoir sans succès.




Jour 5 : 4 ième étape Sälka- station Kebnekaise 25,5 km

Réveil douloureux ce matin : je viens d'apprendre qu'un quart d'heure après mettre couché, des aurores boréales ont illuminé la nuit. Je suis un peu dégouté car ce sera finalement les seules qui auront été aperçues de la semaine. J'ai raté de peu ce spectacle assez rare.

Sauna au bord de la rivière.
Refuge au petit matin.















La nuit a été vraiment glaciale : les sommets sont enneigés et le sol et les rivières sont partiellement gelés. Avec les premiers rayons de soleil, le paysage devient surréaliste. C'est tout simplement grandiose avec toutes ces couleurs.

 

 





















Malgré la déception de cette nuit, je m'élance gaiment de bonne heure pour profiter un maximum de ces conditions exceptionnelles qui rendent le décor tout simplement fabuleux.


 




















C'est très difficile de retranscrire par écrit les sentiments que l'on ressent dans de tels espaces. Il faut le vivre personnellement. Plein de mots me viennent à l'esprit : silence, sérénité, grandeur, immensité, beauté, couleurs,... Je peux vous juste vous dire que c'est génial : quel bonheur de marcher dans un tel environnement.

Immensité de la Laponie suédoise.

Un homme heureux au bout du monde.
Après ces quelques heures de marche d'anthologie, le chemin se sépare en deux. Un sentier permet de rejoindre le refuge de Singi (version normale) et le deuxième permet de le contourner par les hauteurs (variante alpine). J'opte pour la deuxième option car, comme la veille, aujourd'hui j'ai prévu de doubler les étapes afin d'avoir la journée de demain pour tenter l'ascension du Kebnekaise ( plus haut sommet de Suède 2110 m). Ce choix me permet également de faire un peu plus de dénivelés afin de parfaire mon acclimatation pour la tentative du lendemain.

Le sentier s'élève progressivement pour atteindre quelques petits lacs d'altitudes au pied du massif du Kebnekaise. Le décor devient beaucoup plus alpin.

Lac d'altitude.


Au bout de quelques kilomètres, le chemin redescend en pente douce pour rejoindre le parcours principal du Kungslegen ( version courte en 1 semaine). Le refuge de Singi marque la jonction entre les deux parcours ( ceux qui optent pour la version longue 3-4 semaines y prennent une autre direction).


Redescente vers le chemin principal.
Pour atteindre la station  de montagne du Kebnekaise, il me reste une dizaine de kilomètres à parcourir dans une vallée plus étroite, avec de hauts sommets de chaque côté.




Au fur et à mesure que j'approche de la station, je rencontre de plus en plus de randonneurs. Cette station est très grande et très fréquentée. C'est l'équivalent de Chamonix pour les suédois. On y trouve un refuge, des appartements et même des colonies de vacance. Je commence déjà à regretter les grands espaces en solitaire que je viens d'effectuer. Un prémice de retour à la civilisation s'offre à moi. J'aperçois finalement au loin cette imposante station. Le ciel devient de plus en plus menaçant et la pluie finit par faire son apparition et m'accompagnera jusqu'à l'arrivée. J'accélère l'allure pour ne pas finir tremper. Mais peine perdue, j'arrive au refuge complètement mouillé.


Station de montagne du Kebnekaise.
Fini le charme des petits cabanons au bord du lac, ici place au gigantisme ( grands dortoirs, restaurant, magasin de sport, douches et grand sauna, électricité,  réseau téléphonique et wifi,..mais également les prix qui sont pratiquement doublés) : bref un brutal retour à la civilisation.
Je m'empresse de consulter la météo pour le lendemain. Les prévisions sont très mauvaises (pluie, vent, brouillard et neige sur le sommet). Ma tentative d'ascension semble très compromise. Je sympathise avec un jeune guide français qui me confirme ces prévisions et m'annonce que personne n'a encore pu monter au sommet cette semaine. Je suis déçu, un peu résigné mais décidé à attendre demain matin pour voir si je tente le coup ou si je poursuit mon itinéraire.
Je trouve qu'il y a trop de monde et que c'est trop bruyant, mais je profites quand même de ce confort pour prendre et donner des nouvelles et me prélasser un bon moment sous une douche bien chaude.
La pluie nous accompagnera toute la nuit.





Jour 6 : Tentative d'ascension du Kebnekaise


Réveil à 5h00. La pluie a cessé et, au lever du jour, le ciel semble se dégager. Je m'empresse d'aller consulter les nouvelles prévisions météo à l'accueil. J'y retrouve le guide français qui m'annonce finalement qu'une fenêtre météo favorable est annoncée jusqu'en début d'après-midi. Il me confirme que je peux tenter le coup. Il m'en faut pas plus pour rapidement me préparer pour partir à l'assaut du plus haut sommet de Suède.


Itinéraire d'ascension du Kebnekaise.




Les chances d'atteindre le sommet sont très infime au vue de la météo mais je tente quand même le coup. Demain je suis obligé de poursuivre mon itinéraire. Seulement trois groupes de suédois et moi se lancent dans cette aventure aujourd'hui. Ne connaissant pas l'itinéraire, je les laisse partir devant. Je décolle de la station à 8h00 vingt minutes après eux. Je démarre pied au plancher avec mon gros sac sur le dos, j'ai la forme des grands jours. Dés les premières pentes au bout de  2km, j'ai déjà dépassé les 3 groupes et amorce le mur qui se dresse devant nous en tête ( 700m d+ en moins d'un km). La pente est vraiment impressionnante mais je l'avale littéralement. Je n'aperçois plus les suédois.




J'arrive sur le premier plateau à 1500 m d'altitude. A partir de cet endroit, mon allure se réduit fortement. La météo se détériore très rapidement, le vent se lève et je suis engloutie dans un brouillard épais. Je progresse à l'aveugle sur cette moraine et je perd l'itinéraire d'ascension. Et pour corser le tout, la pluie se met à tomber. Je profite des petits instants où le brouillard se dissipe un peu pour essayer de retrouver mon chemin mais je me perds plusieurs fois. J'ai aucune idée de la direction à prendre , je tourne en rond et je commence à avoir froid, trempé jusqu'aux os.


Seul dans le brouillard à 1500 m d'altitude.
Blotti à l'abris du vent contre un rocher, je décide d'attendre le premier groupe de suédois. J'ai très froid et ce n'est que 30 mn plus tard que je les aperçois enfin. Après une longue pause où j'en profite pour mettre ma goretex et me ravitailler, je suis le groupe qui progresse très lentement. Après un passage dans les rochers ( que j'avais pas trouvé), on arrive au pied du glacier. Le groupe de suédois s'encorde et se lance sur le glacier. De profondes crevasses sont visibles sur la gauche. Je suis surpris car d'après le topo, l'itinéraire est exclusivement sur du chemin et pas sur un glacier crevassé. Dans cette purée de pois, je progresse seul sur le glacier en suivant les traces dans la neige laissés par le groupe. La pente s'élève de plus en plus et j'arrive à 1700 m. On n'y voit absolument rien et il y a de plus en plus de neige. Les suédois stoppent leur progression et retourne en arrière. C'est impossible de continuer dans de tels conditions et la mort dans l'âme je stoppe aussi mon ascension et amorce la descente. Au pied du glacier, je croise le guide français et son groupe qui rebrousse chemin aussi. J'ai du mal à trouver la bonne trace dans ce brouillard et me perd plusieurs fois avant de trouver enfin la piste de descente.
Résigné, j'attaque les premiers lacets de cette pente bien raide. Je finis par sortir rapidement de cet épais brouillard. Dans la vallée, les conditions sont beaucoup plus clémentes. J'en profite pour faire quelques photos.




Vallée au pied du Kebnekaise.



Retour à la station en début d'après-midi complètement trempé et déçu. On peut pas toujours gagné avec la montagne, c'est souvent elle qui a le dernier mot. Il y a beaucoup de monde à la station. Demain il annonce un temps magnifique. De nombreux suédois sont montés à la station pour faire l'ascension demain. Mais pour moi c'est trop tard car demain je doit impérativement poursuivre ma route. Personne n'est parvenu au sommet aujourd'hui. En discutant avec le guide français bien au sec, je finit par comprendre que j'ai pris l'itinéraire technique d'où le passage sur le glacier ( voir sur la photo plus haut). En partant la tête dans le guidon, j'ai raté la bifurcation pour l'itinéraire pour les touristes. J'ai suivi bêtement les cordées qui prenaient la route technique. Mais de toute façon, c'était voué à l'échec avec cette météo exécrable en altitude.
La pluie est toujours présente le soir et, malgré le vent qui se lève, j'ai du mal à croire que demain il fera très beau.






Jour 7 : 5 ième étape station Kebnekaise- Nikkaluokta 19 km puis retour sur Kiruna.




Quelle surprise au réveil : le ciel est complètement dégagé et le soleil brille déjà de milles feux. C'est un peu la cohue au refuge, une horde de randonneurs se lance ce matin à l'assaut du sommet, accentuant encore un peu plus ma déception. Mais je sais que je vais quand même passé une magnifique journée de marche sous ce soleil généreux.
Station du Kebnekaise sous le soleil.
Je quitte la station pour entamer la dernière étape de ce périple avant de retrouver la civilisation. J'ai décidé de prendre mon temps afin de profiter un maximum de ces magnifiques conditions climatiques. J'oubli rapidement ma déception de la veille avec une telle lumière. Dés que je quitte la station, je retrouve la forêt que j'avais quitté le deuxième jour de marche. Avec cette luminosité et ces couleurs d'automne, le décor est fabuleux.





































Je suis vraiment chanceux de pouvoir évoluer dans un tel environnement. Je savoure infiniment ces moments magiques. Je progresse dans un vrai paradis terrestre.











































Je marche dans un environnement totalement enivrant. Je suis comblé par ce spectacle. Malgré toutes les expéditions que j'ai déjà faite, j'ai jamais ressenti de telles sensations face à la puissance de tous les éléments qui m'entourent. 
Au détour d'un chemin, je croise un magnifique renne solitaire qui traverse paisiblement le sentier. J'ai tout juste le temps de le prendre en photo avant qu'il ne disparaisse dans la végétation.

Renne solitaire sur le chemin.

Au fur et à mesure des kilomètres, le chemin s'élargit de plus en plus, prémice d'un retour imminent vers la civilisation. La nostalgie commence déjà à me gagner mais j'essaie de savourer un maximum de cette fin de parcours.















Je commence de plus en plus à me retourner pour contempler encore un peu ces paysages si exceptionnelles. J'y aperçois le Kebnekaise qui pour une fois se montre dans toute sa splendeur. J'ai vraiment l'impression qu'il me nargue et j'envie les randonneurs qui sont sur ses pentes aujourd'hui. Je reviendrai pour lui montrer qui c'est le plus fort!
Le Kebnekaise dans toute sa splendeur.


Dernier regard vers les sentiers du Kungsleden.






La fin du périple approche . C'est dur de quitter ce paradis terrestre où j'ai passé 6 jours merveilleux. Mais toutes les bonnes choses ont une fin. J'entrevoie au loin la ligne d'arrivée matérialisée par une porte de sortie. Avant de la franchir, petit détour sur le promontoire où se trouve une splendide église scandinave. De ce point, j' ai une vue magnifique sur le terrain de jeu que j'ai traversé et de l'autre côté sur la civilisation toute proche. Je m'octroie une grosse pause pour en profiter encore un peu.

Eglise de Nikkaluokta.
Début de la civilisation.
Fin de l'aventure pour mon sac.
Je me décide enfin à franchir la porte qui symbolise la fin de cette itinéraire à l'entrée du petit village de Nikkaluokta. J'immortalise cet instant. Très vite, le silence qui m'accompagné tout au long de cette traversée est brisé par les premiers bruits de la civilisation ( voiture, tronçonneuse,...).

Franchissement de la porte d'arrivée.
En attendant le bus qui doit me ramener à Kiruna, petite visite de l'office du tourisme où j'en profite pour boire une bière pour fêter la fin du trek. 

Pesée du sac en sortie : 12 kg.

Récompense à l'arrivée.





Dans cette région de Laponie vit une ethnie qui s'appelle les Samis. A Nikkaluokta, on peut voir quelques très originales habitations typiques de ce peuple. Certains cinéastes ont certainement du s'en inspirer pour leurs films...









Habitation du peuple Sami.

Nikkaluokta, minuscule village, est à la fois l'un des points de départ du Kungsleden, mais surtout le point d'accès pour rejoindre la station du Kebnekaise pour tenter le plus haut sommet de Suède. Plus de route, une journée de marche (19 km) pour y accéder.






Maison typique scandinave.


Lac de Nikkaluokta.








































Retour en bus en fin d'après-midi pour Kiruna. 1 heure de trajet le long de lacs plus beaux les uns que les autres. Cette région est vraiment magnifique.
Je retrouve le sympathique hôtel ( The Yellow House) où j'avais déjà dormi à l'aller. Petite sortie nocturne en ville pour littéralement avaler une imposante salade et une énorme pizza. Mon estomac est enfin comblé après plusieurs jours à la diète.


Jour 8 : retour en France.



Bien repu, j'ai passé une excellente nuit. Etant donné que mon avion de retour n'est prévu qu'en début d'après-midi, je profite de cette matinée pour visiter le centre ville de Kiruna. Il est pas très grand et assez austère comparé aux alentours. 

Centre ville de Kiruna.
On y trouve néanmoins une magnifique église scandinave en bois coloré. C'est la plus grande de toute la région.

Eglise de Kiruna.

Clocher de l'église.
















L'imposant hôtel de ville mérite aussi une visite. On y trouve de nombreuses photos et renseignements sur la ville, mais également de très intéressantes expositions. 






Hôtel de ville de Kiruna.


J'ai encore un de temps avant de prendre le bus pour l'aéroport. J'aperçois de nombreux écoliers qui semblent courir dans tous les sens avec une carte dans les mains. Ils effectuent une course d'orientation en ville. En Scandinavie, c'est le sport le plus pratiqué. J'interpelle un petit groupe afin de prendre en photo la carte.


Carte de course d'orientation.

Me voilà parti avec mon gros sac sur le dos à la chasse à la balise. Quel bonheur de pouvoir pratiquer mon sport préféré de manière totalement improvisée. Je ne pouvais espérer meilleur façon de finir mon séjour en Suède.

 
 




Je quitte définitivement cette terre laponne en début d'après-midi. Décollage vers 13h . Vol direction le Luxembourg avec deux escales sans encombres à Stockholm et Vienne. Retour en France sur le coup de 23h.




Conclusion:


Depuis longtemps, j'avais l'idée de réaliser ce célèbre trek. Mais à la vue des photos et des vidéos que j'avais pu voir sur internet, je n'était pas forcément séduit par les paysages.
Mais dès mon arrivée sur place, j'ai été de suite emballé par les décors et par l'atmosphère qui régnaient dans cet environnement. Le Kungslegen ( Voie Royale) offre des paysages grandioses : toundra, forêts de Bouleaux, grands lacs, cascades, rivières, glaciers et montagnes. Les conditions climatiques très changeantes et rude, la diversité des couleurs automnales et ce silence pur rendent l'atmosphère qui vous entoure encore plus féerique. Quel bonheur et chance de pouvoir randonner dans de tels conditions. J'ai passé une semaine en terre laponne tout simplement fabuleuse. Il règne dans cette région une telle harmonie et zénitude que je suis persuadé que j'y retournerai un jour.


Cette expédition est très facile à réaliser et ne nécessite pas un gros budget. Je la recommande fortement à toutes les personnes qui ont envie de vivre une semaine totalement dépaysante et apaisante dans des grands espaces sauvages.